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Le Rom à moitié discriminé ou le Rom à moitié non discriminé

La Commission fédérale contre le racisme (CFR), à intervalles réguliers, nous rappelle sa coûteuse nuisance en diffusant des communiqués culpabilisateurs censés démontrer, études pseudo-scientifiques à l'appui, la présence en Suisse de discriminations à l'égard des chouchous du politiquement correct – ce qui est tout de même la moindre des choses, car personne n'aime les chouchous.

Sa dernière contribution concerne les Roms. A défaut de démontrer que ces gens sont peu appréciés de la population – ç'aurait été un peu trop facile –, nos commissaires du peuple ont fait en sorte de découvrir que les gens du voyage sont aussi maltraités dans les médias: l'étude «met en évidence les lacunes de l'information sur les Roms dans les principaux médias de Suisse»; «l'information sur les Roms en Suisse se focalise sur les comportements déviants et criminels»; «trop souvent, les contributions font appel à des généralisations associées à des stéréotypes négatifs», etc. En même temps, on ne nous indique pas quels pourraient être les stéréotypes positifs qui pourraient être associés à ces gens-là.

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente de la CFR et retraitée de la classe politique et des lobbies économiques, s'est essayée maladroitement à un peu d'humour: «Essayez une fois de remplacer ce terme rom dans vos textes par fribourgeois, valaisan, ou n'importe quel autre canton. Pour voir l'effet que ça fait.» Le problème est qu'on ne voit pas encore beaucoup de hordes de mendiants fribourgeois dans les rues de Lausanne.

Mais le plus marrant, c'est que les médias, eux, ont fait une lecture pour le moins interprétative de la communication de la CFR – laquelle avait aussi, il faut le reconnaître, fortement interprété les résultats de l'étude qu'elle avait commandité. De fait, lorsque les chercheurs parviennent à la conclusion que «plus d'un quart» des contributions journalistiques contiennent des stéréotypes et qu'«une contribution journalistique sur huit tend à être discriminante», on se dit que ce n'est vraiment, vraiment pas beaucoup. Et cela explique sans doute pourquoi le titre du communiqué de la CFR, «Traitement de l'information sur les Roms: les médias peuvent mieux faire», a pris, dans Le Matin, cette coloration beaucoup plus élogieuse: «Les Roms seraient peu discriminés par les médias suisses.»

Ce quiproquo ne se serait jamais produit si la Commission fédérale contre le racisme, en parlant des médias, n'avait pas fait appel à des généralisations associées à des stéréotypes négatifs1.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 13 décembre 2013)

 

1 Il ne se serait pas produit non plus s'il n'y avait pas de Roms en Suisse, ou si la Commission fédérale contre le racisme n'existait pas.