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De l'Humanité à la Nation

En cette période de Noël, nous devons avoir une pensée charitable pour les régions du monde qui sont frappées par le malheur, la pauvreté, l'indigence, la misère, la famine, les invasions de sauterelles, les guerres tribales, les catastrophes, les tsunamis, la démocratie, bref, par tous les fléaux d'Egypte et des pays alentours.

Certains de nos amis nous accuseront d'exagérer. Ils nous jureront que la France n'en est pas encore là. C'est vrai, il n'y a pas eu de tsunami.

Cela dit, nous n'exprimons pas ici une opinion exclusivement personnelle. N'est-ce pas le très sérieux quotidien financier L'Agefi qui, le 12 décembre dernier, par la plume de son rédacteur en chef, évoquait la grande détresse de nos voisins? Il était question de ce demi-milliard de francs de rétrocessions fiscales que Paris tarde à payer à plusieurs cantons suisses. Après avoir écarté l'hypothèse qu'il s'agisse de mesures de rétorsion ou de pressions – «ces intentions supposées semblent à vrai dire tellement médiocres qu'elles équivalent à rabaisser la nation française à des niveaux dramatiques d'insignifiance» –, François Schaller évoque une «seconde hypothèse, plus crédible (et non exclusive de la première): la France est en cessation de paiement. Elle n'a plus les moyens, avec en plus une capacité très réduite d'endettement.» Et le facétieux éditorialiste de conclure sur une note hautement morale: «Dans ces conditions, les protestations de la Suisse à propos des impayés de la France pourraient assez vite paraître déplacées. La France est en mission dans le monde, elle est peut-être en train de sauver l'Afrique.»

Ce n'est pas tout. Une rapide recherche sur internet nous apprend que des administrations locales n'ont plus les moyens de payer leurs factures. Qu'elles doivent se résoudre à des économies de bouts de chandelles. Que certains tribunaux sont en rupture de stock de papier, faute de crédits. Et que même la gendarmerie ne reçoit plus assez d'argent pour couvrir ses dépenses courantes et doit donc immobiliser une partie de ses véhicules.

Précarité, exclusion, spirale de l'endettement: autant de problèmes heureusement combattus par le socialisme. Sauf quand celui-ci est occupé à combattre les Français anti-mariage-homo en colère, les «bonnets rouges» bretons en colère, les agriculteurs en colère, les routiers en colère, voire les pompiers en colère – lesquels ont fait forte impression, il y a quelques jours à Grenoble, en se battant, en uniforme et casqués, contre des CRS équipés de même sorte.

Et dire que c'est précisément ce moment qu'ont choisi ces voyous d'Irlandais pour annoncer spectaculairement qu'ils avaient retrouvé leur croissance économique et qu'ils sortaient du programme d'aide européen…

La Suisse aussi pourrait se moquer. On se souvient que notre armée a récemment procédé à un exercice baptisé «Saônia», imaginant une attaque par des bandes armées issues d'un Etat voisin en décomposition. Des journalistes avaient rigolé et des Français s'étaient indignés. Nous pourrions alors leur proposer un autre scénario où l'armée suisse s'emparerait cette fois d'une région voisine – la Saônia ira très bien – comme garantie (modeste) de ce que nous doit l'Etat français.

Mais non, c'est Noël et nous devons être charitables. Nous allons donc proposer un arrangement au gouvernement de M. Hollande. Ce dernier vient en effet de décider d'abandonner une créance de plus de 4 millions d'euros, plus intérêts, portant sur un prêt accordé par l'Etat français au journal L'Humanité, organe du parti communiste, en 2002. Le procédé n'est pas nouveau puisqu'en 2001 déjà, une créance semblable à ce même journal, à hauteur de 13 millions de francs de l'époque (environ 2 millions d'euros), avait aussi été abandonnée.

Si donc l'Etat français veut bien accorder à La Nation, organe de la Ligue vaudoise, un prêt de 4 millions, même en euros, ledit journal cessera de persifler comme il vient de le faire dans les lignes qui précèdent, et la Ligue vaudoise s'engagera même à régler la somme due aux autorités fiscales helvétiques.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 27 décembre 2013)