Tous mes articles

Madame Irma et le climat

On a parfois tendance à oublier ce qu'on a lu dans les journaux. C'est pourquoi nous vous proposons ici quelques citations tirées du quotidien 24 heures (reprenant parfois des dépêches de l'Agence télégraphique suisse).

Remontons d'abord jusqu'au 28 février 2012. Souvenez-vous, nous subissions des températures sibériennes:

Plus l'Arctique se réchauffe plus l'Europe frissonne. […] La réduction des glaces dans l'océan arctique due au réchauffement climatique pourrait expliquer les hivers fortement enneigés et froids de ces dernières années en Europe.

Un peu plus d'une année plus tard, le 2 mai 2013, ces frimas avaient disparu des statistiques:

L'année 2012 a été la neuvième année la plus chaude depuis 1850, a affirmé jeudi à Genève l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Il s'agit d'un signe inquiétant de la poursuite du réchauffement climatique, selon son directeur général.

Le 20 mai, un petit bémol faisait son apparition:

Le réchauffement climatique se poursuit, mais il pourrait être moins extrême que prévu, selon une étude britannique. […] Un réchauffement extrême de la planète est moins probable ces prochaines décennies après le ralentissement de la hausse du mercure depuis le début de ce siècle, selon une équipe d'experts de l'Université d'Oxford. […] «Les taux de réchauffement les plus extrêmes selon les simulations réalisées sur cinquante ou cent ans semblent moins probables», précisent les chercheurs d'Oxford dans la revue Nature Geoscience. […] Les scientifiques s'interrogent sur les raisons de ce ralentissement.

Le 3 juillet, le bémol avait fondu:

«Le réchauffement des températures au niveau mondial est une certitude scientifique et s'accélère», a déclaré le secrétaire général de l'agence de l'ONU, Michel Jarraud, en présentant à Genève un rapport de 110 pages […]. «Le printemps froid que nous avons connu en Europe n'est pas en contradiction avec le réchauffement, mais sans doute une manifestation supplémentaire de ce réchauffement, car la conséquence de la fonte des glaces de l'Arctique», a expliqué Michel Jarraud.

Le 24 juillet, on en rajoutait une couche:

Le changement climatique devrait avoir des impacts importants pour les assureurs: l'augmentation de la température de la mer notamment devrait induire des dépenses considérables. […] Des régions comme New York, la Floride, le Royaume-Uni et de nombreuses régions côtières pourraient connaître une telle inflation des risques naturels que les compagnies refuseraient de les assurer.

Et encore une autre le 26 juillet:

La fonte des glaces de l'Arctique pourrait coûter 60'000 milliards de dollars, en raison des gigantesques quantités de méthane relâchées dans l'atmosphère.

[…] «La disparition imminente de la glace de mer en été dans l'Arctique aura d'énormes répercussions sur l'accélération du changement climatique, sur la libération de méthane dans les eaux au large des côtes qui sont maintenant en mesure de se réchauffer pendant l'été», déclare le professeur Peter Wadhams, chef du groupe de physique de l'océan polaire à l'université de Cambridge

Mais soudain, le 10 septembre, on a découvert que la banquise, juste avant de disparaître, avait décidé de se moquer des climatologues:

A l'heure où tout le monde parle de réchauffement climatique et de la fonte inéluctable de la banquise, le constat est étonnant: la glace a augmenté de 60% sur les océans cette année par rapport à 2012, ceci en raison d'un été arctique particulièrement froid. Une surface équivalant à plus de la moitié de la taille de l'Europe est déjà recouverte de glace en ce moment entre le nord du Canada et le nord de la Russie, soit bien des semaines avant le début de la saison hivernale, révèle le journal anglais Daily Mail. Cette année, le passage nord-ouest entre les océans Atlantique et Pacifique est même resté bloqué toute l'année, forçant les bateaux à emprunter d'autres routes maritimes.

Du coup, des éminents spécialistes en environnement appartenant au GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) ont affirmé dans un rapport qu'a pu lire le journal que nous sommes entrés dans une période de refroidissement global qui devrait durer jusqu'à la moitié du XXIe siècle au moins! En outre, malgré toutes les prévisions qui indiquaient le contraire jusqu'ici, la majeure partie des chercheurs en climatologie s'accorderaient aujourd'hui à penser que le réchauffement climatique «fait une pause», et ce depuis 1997 déjà, souligne le Daily Mail.

Alors que des sommes colossales ont été investies pour combattre le réchauffement, ces nouvelles analyses, qui contredisent tous les modèles mathématiques imaginés jusqu'ici, ont contraint les experts en climat du GIEC à tenir ce mois-ci une séance de crise en Suède, quelques jours avant la parution d'un rapport sur le sujet en octobre. Pour la professeure américaine Judith Curry, interrogée par le Telegraph, les océans connaissent régulièrement des phases cycliques de basses et de hautes températures et la Terre se trouverait maintenant dans la même situation que durant la période 1965-1975, où la tendance était clairement au refroidissement. Les experts prédisaient même alors le début d'une nouvelle glaciation…

Heureusement, cette irritante banquise – probablement à la solde des lobbies pétroliers – n'a pas existé plus d'une quinzaine de jours. Le 27 septembre, on apprenait que le réchauffement climatique était encore bien pire que tout ce qu'on avait pu craindre jusqu'ici:

La responsabilité de l'homme dans le réchauffement climatique est plus certaine que jamais et la température moyenne de la Terre devrait encore grimper de 0,3 à 4,8°C d'ici 2100, selon le nouveau rapport des experts du climat du GIEC adopté vendredi à Stockholm.

Les gros titres étaient manifestement conçus pour réaffirmer l'infaillibilité du dogme et faire taire les critiques. On devinait pourtant un léger malaise en lisant la suite:

Concernant l'ampleur possible du réchauffement d'ici la fin du siècle, le GIEC a retenu quatre scénarios possibles sans se prononcer sur la probabilité de chacun d'entre eux. […] Les experts du GIEC s'attendent également à ce que le réchauffement climatique provoque des événements météorologiques extrêmes plus intenses, même si certains aspects ne sont pas encore tout à fait clairs. «Les vagues de chaleur vont probablement se produire plus fréquemment et durer plus longtemps. Avec le réchauffement de la Terre, nous nous attendons à voir les régions actuellement humides recevoir davantage de précipitations et les régions sèches en recevoir moins, même s'il va y avoir des exceptions», a précisé Thomas Stocker.

La virulence avec laquelle les personnes s'exprimant au nom du GIEC nous enjoignent aujourd'hui de ne plus douter s'explique-t-elle par le fait que de plus en plus de gens commencent franchement à rigoler en lisant les aventures de cette banquise à géométrie variable?

(La Nation du 1er novembre 2013)

Tags:   La Nation