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La liberté de la presse enfin menacée!

Nous qui avons pris l'habitude, dans la présente rubrique, de tenter de tirer tant bien que mal quelques conclusions amusantes d'une actualité toujours consternante, nous ne bouderons pas notre plaisir d'évoquer pour une fois une bonne nouvelle! Une excellente nouvelle même, de celles qui nous donnent envie de danser de joie dans notre salon, de parader dans les rues de la ville à grands coups de klaxon, de sonner de la trompette et de lancer des confettis.

Une descente de police a en effet été effectuée chez M. Ludovic Rocchi, sémillant exécuteur des basses œuvres au Matin, histrion nocturne des tréfonds neuchâtelois à ses heures, ex-agitateur syndical reconverti en procureur narcissique de la presse de boulevard où ses pairs le couvrent de dithyrambes à chacun de ses impairs, lui décernant même des prix pour extrême bravoure, ladite bravoure consistant à abattre médiatiquement et méthodiquement les personnalités de droite qu'il n'aime pas (ou avec la virgule: les personnalités de droite, qu'il n'aime pas)1.

Mais voilà: un professeur d'université visé par ce genre de harcèlement a porté plainte pour «diffamation, calomnie et violation du secret de fonction». D'où l'intervention du procureur (l'autre, celui de l'Etat) et de la police qui a saisi les ordinateurs et les papiers de M. Rocchi.

Bien entendu, le réseau de soutien politico-syndical a été promptement mobilisé afin de dénoncer une scandaleuse menace sur la liberté de la presse! Comment? Les journalistes, qui ont toujours été au-dessus des lois, devraient désormais répondre de leurs actes devant la justice, au même titre que le vulgum pecus? Comment? Ces gens qui font métier de fouiner dans les affaires personnelles des autres devraient accepter que d'autres fouinent dans leurs petites affaires? Comment? Le spécialiste des enquêtes très orientées pourrait lui-même faire l'objet, pour une fois, d'une enquête à charge?

Il ne faut guère se faire d'illusion sur l'issue de cette affaire: la vedette rouge du quotidien orange a certainement assez de relais efficaces et d'amis importants, et si le Tribunal fédéral ne lui donne pas raison, ce sera la Cour de Strasbourg, qui n'en sera pas à son coup d'essai. Au final, le journaliste retrouvera ses ordinateurs et ses fausses notes, avec des excuses officielles et une gratification substantielle payée par le contribuable.

En attendant, toutes les victimes de la malhonnêteté intellectuelle de la presse auront pu se réjouir un bref instant de voir un personnage puissant et arrogant mordre la poussière. Après tout, n'est-ce pas le genre de conte moral que la presse affectionne habituellement?

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 23 août 2013)


Notes:
1 Voir le «Coin du Ronchon» de La Nation du 8 mars 2013.