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Dans ma corne d'abondance, qu'y met-on?

Le retour du socialisme officiel à la tête de l'Etat français suscite un frémissement dans toute l'Europe, libérant les esprits et les coeurs et surtout déliant les cordons des goussets: maintenant, on va à nouveau pouvoir dépenser! Dépenser l'argent que l'on ne possède pas, dépenser l'argent qui appartient aux autres, dépenser l'argent que les générations futures se débrouilleront pour rembourser, pourvu que l'on dépense!

Les journalistes, qui démentent toujours avec véhémence une quelconque accointance avec la gauche, ne se tiennent plus de joie en proclamant chaque jour la déroute du «camp Merkel» au sein de l'Union européenne. Des économistes – qui exercent l'une des rares professions où l'on se trompe encore davantage que Mme Teissier – nous prédisent les pires tourments si nous n'abandonnons pas définitivement toute austérité budgétaire. Tous ceux qui continuent à vivre de rentes ou de subventions intactes donnent de la voix pour dénoncer les atroces privations dans lesquelles la moindre mesure d'économie pourrait certainement les plonger. Et les politiciens et les journalistes se creusent chaque jour les méninges pour trouver de nouvelles idées de dépenses publiques, parce que les citoyens y ont droit, parce que nous tous y avons droit!

Tandis que, dans la République du bout du lac, on envisage désormais d'accorder une prime de plusieurs milliers de francs aux étrangers en situation illégale, on a vu chez nous, ces derniers jours, une manchette de journal réclamer la gratuité des transports publics pour les jeunes en formation. On appelle cela une «idée choc», afin de se convaincre qu'on est audacieux. Qui osera refuser un petit geste pour la formation des jeunes? Personne, évidemment! Cette discrimination sera donc considérée comme parfaitement légitime… jusqu'à son entrée en vigueur, ensuite de quoi elle sera dénoncée sur un ton indigné: pourquoi les jeunes et pas les personnes âgées? Pourquoi pas les handicapés? Pourquoi pas les jeunes parents? Et les personnes qui ont arrêté de fumer? Et celles qui s'engagent contre le racisme et la mucoviscidose? La discrimination devra être la même pour tous et on ne nous lâchera pas avant que toute la population reçoive gratuitement un abonnement général. En première classe. Parce que nous y avons droit.

A quand la fin de la vignette autoroutière et de la redevance radio-télévision?

Surtout, dès lors qu'il est admis que l'instruction doit être gratuite, pourquoi pas aussi le perfectionnement intellectuel? L'édification de l'âme? La culture politique? Tous les citoyens y ont droit, et pour cela – nous formulons nous aussi une «idée choc» – l'Etat de Vaud devrait songer à leur offrir un abonnement à La Nation!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 18 mai 2012)