Tous mes articles

Demain, promis, la Suisse réforme le monde

L'austère professeur Joseph Deiss, l'homme qui aime se faire photographier avec le nez augustement tourné vers la voûte céleste, nous a rarement fait mourir de rire. Mais la manière dont le chef-d'oeuvre de sa carrière politique a été ridiculisé il y a quelques jours vaut cette fois son pesant de cacahuètes.

Souvenez-vous, il y a dix ans, lorsque l'ex-conseiller fédéral avait réquisitionné tous ses services pour faire passer en force la votation sur l'adhésion de la Suisse à l'ONU: parmi les balivernes qu'il avait assénées pour faire taire les voix critiques, il avait affirmé que la Suisse, lorsqu'elle serait enfin présente au sein du concert des nations (que c'est beau!), pourrait réclamer une réforme du Conseil de sécurité. Les cinq plus grandes puissances de la planète qui contrôlent les «Nations Unies» n'avaient qu'à bien se tenir, Musclor-à-croix-blanche allait arriver en roulant les mécaniques…

Dix ans ont donc passé, et nous y voilà enfin. Nous lisons dans une dépêche de l'ATS du 17 mai: A la dernière minute mercredi, la Suisse a retiré devant l'Assemblée générale de l'ONU un projet de réforme pour améliorer les méthodes de travail du Conseil de sécurité, proposé avec quatre autres petits pays. […] «Afin d'éviter des querelles juridiques à l'Assemblée, nous avons décidé de retirer notre projet de résolution», a indiqué Paul Seger, ambassadeur suisse auprès de l'ONU à New York. […] «Des membres de conseil de sécurité nous ont clairement dit qu'ils ne considéraient pas cette résolution d'un bon oeil», a expliqué Paul Seger.

Ça a le mérite d'être clair et on sait maintenant qui commande là-bas. Notre Musclor a montré qu'il avait plutôt la consistance des Petits Musclés de Danone et la Suisse a été copieusement ridiculisée.

Mais quand on est diplomate, on ne perçoit heureusement pas le côté négatif des choses:

«Nous avons aiguillonné le Conseil de sécurité qui sait qu'il doit s'efforcer d'avoir de meilleures méthodes de travail», a dit Paul Seger. Pour le diplomate, le retrait de ce projet n'est pas une défaite. «Un nouveau chapitre commence: nous espérons que le Conseil de sécurité va tenir sa promesse de soumettre nos propositions à un examen détaillé.»

Un «examen détaillé»? ça alors! C'est exactement ce que nous aurions dû faire avec la proposition de M. Deiss d'adhérer à l'ONU.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 1er juin 2012)