La bonne grenade et la mauvaise grenade
Axiome: le régime autoritaire du président Bachar el-Assad, un des derniers survivants des régimes baasistes plutôt bienveillants envers l'Occident, représente le Mal; les révolutionnaires qui s'apprêtent désormais à le renverser, avec le soutien de l'Occident, pour établir un régime encore plus autoritaire, islamiste et anti-occidental, représentent le Bien.
Conséquence de l'axiome: l'Occident, pour être moral, devrait bombarder son ancien allié et donner (vendre?) des armes à ses futurs ennemis. Conséquence de la conséquence de l'axiome: tout Etat qui fournit des armes aux révolutionnaires syriens accomplit un acte moral.
Constat: les révolutionnaires syriens possèdent des grenades de fabrication suisse.
Consternation: on se heurte ici à un autre axiome, à savoir que l'industrie suisse d'armement représente (aussi) le Mal et que sa production constitue un acte immoral.
Conséquence de la consternation: les journalistes moraux sont bien embêtés; car le Mal a accompli un acte moral en livrant – même indirectement – le produit d'un acte immoral aux forces du Bien…
Conclusion: pour le moment, le puissant lobby antimilitariste helvétique – accessoirement maqué avec le groupe industriel français Dassault contre l'acquisition de l'avion suédois Grippen, mais ça n'a rien à voir! – gagne la partie: les commentateurs s'indignent du cynisme des fabricants d'armes helvétiques, dénoncent une violation de la neutralité – neutralité qu'ils abhorrent le reste de l'année – et vilipendent, avec un soupçon de stigmatisation raciste, les émirs qui ont revendu les grenades helvétiques au mépris des promesses qu'ils nous avaient faites.
Conclusion de la conclusion: l'Occident doit armer les révolutionnaires syrien, mais pas avec des armes suisses; la Suisse ne doit en effet contribuer en rien à la victoire du futur régime, afin que les journalistes et historiens moraux puissent lui reprocher pendant longtemps son égoïsme et son manque de solidarité.
(Le Coin du Ronchon, La Nation du 24 août 2012)
Conséquence de l'axiome: l'Occident, pour être moral, devrait bombarder son ancien allié et donner (vendre?) des armes à ses futurs ennemis. Conséquence de la conséquence de l'axiome: tout Etat qui fournit des armes aux révolutionnaires syriens accomplit un acte moral.
Constat: les révolutionnaires syriens possèdent des grenades de fabrication suisse.
Consternation: on se heurte ici à un autre axiome, à savoir que l'industrie suisse d'armement représente (aussi) le Mal et que sa production constitue un acte immoral.
Conséquence de la consternation: les journalistes moraux sont bien embêtés; car le Mal a accompli un acte moral en livrant – même indirectement – le produit d'un acte immoral aux forces du Bien…
Conclusion: pour le moment, le puissant lobby antimilitariste helvétique – accessoirement maqué avec le groupe industriel français Dassault contre l'acquisition de l'avion suédois Grippen, mais ça n'a rien à voir! – gagne la partie: les commentateurs s'indignent du cynisme des fabricants d'armes helvétiques, dénoncent une violation de la neutralité – neutralité qu'ils abhorrent le reste de l'année – et vilipendent, avec un soupçon de stigmatisation raciste, les émirs qui ont revendu les grenades helvétiques au mépris des promesses qu'ils nous avaient faites.
Conclusion de la conclusion: l'Occident doit armer les révolutionnaires syrien, mais pas avec des armes suisses; la Suisse ne doit en effet contribuer en rien à la victoire du futur régime, afin que les journalistes et historiens moraux puissent lui reprocher pendant longtemps son égoïsme et son manque de solidarité.
(Le Coin du Ronchon, La Nation du 24 août 2012)