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Première «alerte nationale»: orage, ô désespoir

Les instituts chargés d'établir des prévisions économiques se trompent avec une grande régularité; la chose est connue et permet des pronostics relativement précis sur ce qui ne va pas se passer.

Ceux qui ont pour mission de fournir des prévisions politiques ne font pas beaucoup mieux; on l'a encore vu dimanche passé, alors que les sondages ne laissaient absolument pas imaginer qu'une majorité de Vaudois cautionnerait un chambardement de l'école publique encore plus catastrophique que tous les précédents.

Restent les instituts de prévisions météorologiques. Ceux-ci ont fait de grands progrès et nous annoncent désormais avec une bonne fiabilité le temps qu'il fera – ce qui n'est souvent pas d'un grand intérêt vu qu'il nous suffit généralement de savoir le temps qu'il fait, et que, quel que soit ce dernier et son adéquation avec les prévisions, l'enjeu est de toute manière bien moins critique que dans les questions économiques et politiques: les averses et les frimas ne font jamais autant de dégâts que la chute de la bourse ou la défaite d'une initiative de salut public.

Cela dit, lorsqu'on apprend que la toute première «alerte nationale» (lisez: fédérale) de Météosuisse (Office fédéral de météorologie et de climatologie) a débouché sur un flop complet, on rigole.

Entendons nous bien: nous nous réjouissons de ce qu'il n'y a finalement pas eu de tempête sur la Suisse. Mais nous constatons que la météorologie est aujourd'hui entre les mains d'une administration fédérale dont les responsables – comme partout ailleurs – ont tellement peur qu'on les accuse après coup de n'avoir pas été assez prudents, qu'ils préfèrent lancer dès la première goutte de pluie et maintenir contre vents et marées des «alertes nationales» qui sèment la panique dans la population et la confusion dans les institutions. C'est ce qu'on appelle le principe de précaution, déjà bien connu dans les domaines policier (alerte enlèvement), sanitaire (alerte H1N1) ou écologique (alerte aux mâles hiboux).

Cette tuile qui ne nous est pas tombée dessus faute de vent suggère que nous devrons désormais apprendre à distinguer entre les tempêtes communales (celles qui sévissent dans un verre d'eau), les tempêtes cantonales (proches des citoyens et causant peu de dégâts, mais désuètes, car, paraît-il, on ne peut plus vivre avec vingt-six tempêtes cantonales à l'ère de la globalisation), et enfin les tempêtes fédérales, abusivement dites «nationales», centralisées, germanophones, et qui… ne cassent rien, au propre comme au figuré. Cette prévision vaut bien un orage, sans doute.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 9 septembre 2011)