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Magnificence historique au Puy-du-Fou

Il est vingt-deux heures trente, le jour est maintenant tombé et l'immense tribune face au château du Puy-du-Fou est pleine à craquer. Pas de mouvement de foule, pas de hurlements, pas de canettes de bière qui volent et le sol n'est pas jonché de détritus. Entre quatorze et quinze mille personnes attendent dans le calme le début de la Cinéscénie, un spectacle nocturne en plein air rappelant l'histoire de la Vendée, créé voici plus de trente ans, en 1978, à l'initiative d'un jeune politicien nommé Philippe de Villiers.

La Vendée a été cruellement martyrisée, méthodiquement anéantie par les révolutionnaires républicains entre 1793 et 1796, et les Vendéens en ont conservé un hommage respectueux à la noblesse et à l'Eglise qui ont canalisé à cette époque leur volonté de résistance. Ce poids de l'histoire, sensible dans toute la région – et résumé par cette expression: «le pardon n'est pas l'oubli» –, imprègne en particulier le spectacle donné au Puy-du-Fou. Ce dernier, malgré quelques références vaguement démocratiques, reste donc suspect aux yeux des inspecteurs du politiquement correct: «La mise en scène […] exalte le mythe d'un âge d'or durant lequel nobles et gens du peuple auraient été soudés par un même idéal communautaire, image qui ne reflète pas la réalité de l'époque mais qui a servi jusqu'à nos jours à consolider une culture politique dont témoignent les commémorations du Puy-du-Fou», lit-on par exemple sur Wikipedia (état au 28 juillet 2011, texte tiré de la revue L'Histoire de mai 2009).

Ceux qui ne se sentent pas tenus d'afficher cette distance craintive face à l'exaltation des anciens temps, de la chevalerie, de la paysannerie, des lignées familiales, voire d'une certaine fierté identitaire autre que celle de la République une et indivisible, ceux-là donc garderont surtout le souvenir d'un spectacle grandiose et éblouissant. Dans la fraîcheur de la nuit, devant les ruines du château du Puy-du-Fou, autour d'un plan d'eau, s'étend une scène immense où surgissent de tous côtés des décors et des acteurs illustrant l'histoire et formant de véritables tableaux vivants, comme autant de toiles de Breughel soudainement animées. On y voit galoper des chevaux, s'avancer des carrosses, se battre des soldats et danser des paysans. Des animaux paradent tandis que des moulins brûlent au loin. Le tout est mis en valeur par de saisissants jeux de lumières, d'eau et de feu.

Le spectacle de la Cinéscénie est produit depuis ses débuts par des bénévoles. Ils sont aujourd'hui environ trois mille à œuvrer pour offrir ces représentations à quelque 400'000 spectateurs par année. A côté du château, un grand parc de loisirs a été créé en 1989; il attire plus d'un million de visiteurs par année et assure ainsi un modèle économique viable. Il offre aussi et surtout un superbe complément aux événements nocturnes: on peut y passer une grande partie de la journée à se promener dans des décors de diverses époques, à découvrir des artisans exerçant d'anciens métiers, à écouter des musiques traditionnelles, à observer de nombreux animaux et à assister à des spectacles de vikings, de chevaliers, de gladiateurs ou de dresseurs de rapaces, et cela en côtoyant un public plaisant et agréable, ce qui ne va pas toujours de soi de nos jours.

Les explications disponibles sur internet1 apprendront au lecteur d'autres détails sur ce lieu étonnant; elles lui donneront peut-être l'envie d'y passer s'il traverse la Vendée.

Un détail finalement nous revient en mémoire: parmi les chevaux superbement harnachés s'élançant à bride abattue devant les spectateurs de la Cinéscénie, l'un était revêtu d'ornements écartelés de sinople et d'argent. Les couleurs du Canton! Coïncidence, certes, mais on se prend à rêver: à quand un lieu dédié à l'exaltation populaire de l'histoire et de l'identité vaudoises?

(La Nation du 12 août 2011)



1 Site officiel: www.puydufou.com; ou sur Wikipedia: fr.wikipedia.org/wiki/Puy_du_Fou

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