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Peut-on encore vivre avec vingt-six Facebooks différents?

Facebook, comme on le sait, ne laisse personne indifférent. Outre ceux qui sont pour – et qui ne nous intéressent pas ici –, il y a ceux qui contre parce que c'est (relativement) nouveau, ou trop démocratique, pas assez fédéraliste ou encore pas assez vaudois, mais qui s'y sont mis finalement et qui sont très contents d'utiliser ce réseau pour garder contact avec leurs amis qui pensent la même chose. Mais il y a aussi ceux qui sont contre parce qu'ils aiment à se donner un genre Je dénonce la vilaine puissance capitaliste américaine qui manipule mes données; parmi ceux-ci, certains décident derechef de créer eux-mêmes un nouveau réseau, cette fois démocratique et transparent et vraiment respectueux, etc., et ils le font savoir urbi et orbi, c'est-à-dire généralement dans la presse locale au cœur des vacances.

C'est ainsi que l'on voit se créer ici et là des Facebook bis qui n'auront évidemment jamais les moyens de développement techniques et publicitaires dont bénéficie l'original, et surtout qui ne regrouperont jamais davantage qu'un petit groupe de voisins et d'amis, chacun restant par ailleurs sur le «vrai» Facebook pour garder le contact avec ses cent trente amis (selon la moyenne statistique officielle).

Selon l'expression politico-médiatique consacrée, «il n'est plus possible de vivre avec vingt-six systèmes cantonaux» dans quelque domaine que ce soit. En revanche, la perspective d'avoir autant de «réseaux sociaux» isolés que d'individus connectés à internet et de voir Facebook se transformer en jeu du solitaire semble plaire à nos faiseurs d'opinions. La presse n'aime pas le cantonalisme étroit, mais l'individualisme étroit ne la dérange pas. Small is not beautiful, mais very very small c'est très bien. Allez comprendre pourquoi…

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 12 août 2011)