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Parti pour aller nulle part

Les partis politiques, dans un système démocratique, sont censés représenter les aspirations des citoyens. Il y a donc des partis pour la droite, d'autres pour la gauche, d'autres encore pour le centre. Il y a des partis pour la tradition et des partis pour la révolution. Des partis d'union nationale et des partis séparatistes. En Suisse, nous avons un parti pour l'ordre et la discipline, un parti pour les taxes et le collectivisme, un parti pour la lutte contre la bureaucratie, un parti pour la famille, un parti pour les fleurs et les animaux. Le Canton de Vaud a connu autrefois un parti pour le pouvoir – qui l'a hélas perdu. Certains politiciens créent des partis rien que pour eux, ce qui constitue sans doute la manière la plus sincère d'être démocrate. Et la Ligue vaudoise se prend parfois à rêver d'un parti contre les partis…

La tendance est aujourd'hui au burlesque, voire à l'absurde. On n'a certes pas encore inventé de parti pour que les feux de circulation soient toujours au vert, pour que les ascenseurs soient déjà là lorsqu'on les appelle, ou pour qu'il n'y ait plus de jaune d'œuf dans les pâtes carbonara. En revanche, des petits malins ont très sérieusement fondé un parti «pirate» pour que l'on n'ait plus besoin de payer ce que l'on achète. Mieux: au début de ce mois, on a appris qu'un dénommé Matthias Pöhm venait de lancer en Suisse le premier «parti anti-Power-Point».

Avec beaucoup de lucidité, l'homme en question se plaint de ce que le célèbre logiciel de Microsoft est utilisé à tort et à travers, de manière frénétique et irréfléchie. De manière totalement absurde, il prétend représenter politiquement quelque 250 millions d'individus à travers le monde. Cédant à la mode des justifications statistiques outrancières et conceptuellement fausses, il estime à 350 milliards d'euros la perte économique causée par la présence de salariés aux présentations sur Power-Point. Nous peinons à être convaincus par tout cela. Le journaliste aussi, d'ailleurs, qui termine perfidement sa dépêche en déclarant: «La fondation de cette organisation semble surtout être une bonne manière pour Matthias Pöhm de promouvoir son livre, L'Erreur PowerPoint

Un parti politique pour promouvoir un livre? Voilà une idée originale. Après tout, ce n'est pas pire que ceux qui écrivent des livres dans l'espoir de promouvoir leur parti.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 29 juillet 2011)